Mentor, un nouveau métier ?

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Du mentorat de base désintéressé, gratuit, au mentorat professionnel, le pas semble franchi aujourd'hui. Où en sommes-nous concrètement ? Comment évolue la posture de mentor ?

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Présente dans les romans d’initiation comme dans la philosophie antique, la relation de mentorat a gagné la sphère professionnelle, où elle ne fait que se développer. Le dispositif « 1 jeune 1 mentor », annoncé par le gouvernement dans la continuité du plan «1 jeune 1 solution » lancé à l’été 2020 en est la preuve. Doté de 30 millions d’euros pour 2021, le plan doit permettre à 100 000 jeunes d’avoir un mentor à la fin de l’année. 

L’engagement politique sur le sujet accompagne les profondes mutations du mentorat de ces dernières années. Entre professionnalisation de la posture et développement de nouveaux modèles pédagogiques, le mentorat devient la clé de nouveaux modèles économiques. Alors qu’est-ce qu’être mentor en 2021 ? Pourquoi un tel essor ? Quelles conséquences sur le monde de la formation ? 

Justine Abecassis, Reponsable du contenu pédagogique chez LiveMentor et Yemsel Bougherara, Mentor-évaluateur chez OpenClassrooms, ont répondu à nos questions.

Qu’est-ce qu’un mentor ?

Dans la mythologie grecque, Mentor est un proche ami d’Ulysse. En partant pour la guerre de Troie, qui le maintiendra loin des siens pendant près de vingt ans, Ulysse lui confie son fils, Télémaque, ainsi que la gestion de son patrimoine. Par la suite, la déesse Athéna, emprunte régulièrement ses traits pour guider Télémaque ou Ulysse dans leurs aventures respectives.

« Un mentor n’est ni un professeur, ni un évaluateur. Il n’enseigne pas un contenu mais partage une expérience. »

Au XVIIIe siècle, Fénelon fait entrer le terme dans la langue française. Dans son roman éducatif, Les Aventures de Télémaque, Mentor devient une incarnation d’Athéna, ce qui l’associe à la sagesse et à la guidance. Un mentor est désormais un conseiller bienveillant, qui accompagne une personne encore inexpérimentée.  

Aujourd’hui, le mentor se définit comme un professionnel de son domaine qui va accompagner une personne souhaitant développer ses aptitudes et ses compétences. Son rôle demeure néanmoins fluctuant selon les structures, et il n’existe pas de consensus à ce jour sur sa définition. Nous pouvons toutefois proposer certains éléments de caractérisation.

Un mentor n’est ni un professeur, ni un évaluateur. Il n’enseigne pas un contenu mais partage une expérience. Son objectif est de transmettre son savoir-faire comme son savoir-être en situation professionnelle. S’il guide son mentoré d’après son vécu, il n’impose pas de pratiques ou d’opinions. Il peut parfois se rapprocher de la posture de coach, à la différence qu’il apporte une expertise métier, en plus d’un accompagnement moral.

Le mentorat a longtemps été une pratique bénévole, via des structures associatives ou des relations informelles intra-entreprises. Mais on observe une officialisation croissante de la relation mentor-mentoré, dans le milieu professionnel comme de la formation. Cette formalisation va de pair avec une professionnalisation du rôle de mentor, jusqu’à constituer un métier à part entière dans certains cas.

Mentor, un nouveau métier ?

Devenir mentor ne s’improvise pas. Si la posture semble moins formelle que celle d’enseignant ou de coach, elle exige des qualités d’écoute et d’empathie importantes, ainsi qu’une véritable expertise à partager. Car le mentorat porte avant tout l’idée de transmission.

Chez LiveMentor par exemple, les mentors sont formés en interne, en plusieurs semaines. Chez Openclassrooms, leur recrutement implique plusieurs étapes, dont un e-learning, pour tester leurs compétences comme leurs motivations. Ils sont ensuite déployés progressivement sur le terrain, et étroitement accompagnés pour leurs premiers pas.

Cette formation des mentors est d’autant plus importante que leur rôle est spécifique à chaque entreprise. Pour Justine Abecassis par exemple, le mentor se trouve à la croisée des chemins, entre la posture du formateur qui complète certains éléments mal compris, et la posture du coach qui motive. Chez LiveMentor, le mentor aiguille, challenge la stratégie mise en place par l’apprenant. Il est sur tous les fronts. Qui dit métier dit également rémunération : dans les deux entreprises les mentors peuvent être considérés comme des freelances, et facturent en conséquence. Chez Live Mentor, le recrutement de certains mentors se fait aussi en interne. Néanmoins ce métier n’a pas forcément vocation à devenir autosuffisant : il est dans la plupart des cas un complément d’activité pour les mentors. Pour Yemsel Bougherara, cela fait sens : un mentor apporte une expertise métier. Il n’est pas bon pour lui de trop s’éloigner du terrain.

Mentor-mentoré : une rencontre

Récemment, le mentorat a gagné en popularité et de nombreuses structures ont mis en place des binômes mentor-mentorés. En conséquence directe, les profils de ces binômes se sont multipliés, selon les besoins et les contextes.

A côté de l’appariement classique d’un junior et d’un senior d’un même métier, se trouvent maintenant des binômes de métiers différents mais de même entreprise, ou encore des couples « aspirationnels ». Dans ce dernier cas, davantage qu’un conseiller opérationnel, le mentor incarne une figure inspirationnelle, voire morale.  Le mentor peut donc jouer de nombreux rôles.  

« Il existe plein de manières d’être mentor. Il s’agit avant tout de s’adapter aux apprenants : certains ont besoin d’un accompagnement pas à pas dans leurs projets, d’autres sont autonomes et veulent surtout des conversations aspirationnelles », Yemsel Bougherara

Dans tous les cas, le mentorat est avant tout une relation interpersonnelle, de plus ou moins longue durée, entre deux individus libres de s’engager ou non dans la relation. Ce point n’est pas anodin : chez OpenClassrooms par exemple, on encourage les mentorés comme les mentors à donner des retours sur leur relation de mentorat. Le but est de trouver une bonne association de personnes, en termes d’envies et de besoins comme de caractères et de ressources. Comme dans tout couple, il s’agit de créer une connexion entre le mentor et le mentoré. Le mentor met à profit ses capacités d’attention, d’empathie pour accompagner le mentoré qui, de son côté, doit adopter une posture d’écoute et d’ouverture pour recevoir tous les bénéfices de cette pratique.

Un nouveau modèle pédagogique

Dans le cas précis de la formation, le rôle du mentor peut devenir une modalité pédagogique clé. Le mentor ne produit pas de contenu en propre : les équipes pédagogiques de l’entreprise se chargent de le créer. Le mentor opère une médiation entre les contenus et leur application dans des projets concrets. Son action permet une personnalisation de l’expérience apprenante. « Le mentor est vraiment là pour personnaliser l’expérience de A à Z », comme le dit Justine Abecassis.

Ce modèle fait immanquablement penser à l’adaptative learning, ou apprentissage adaptatif, méthode pédagogique qui utilise le digital pour adapter les contenus et les formats de formation aux besoins individuels de chaque apprenant. Seulement, c’est ici l’humain qui opère cette adaptation. 

C’est également un parfait exemple de formation hybride. Les contenus asynchrones sont disponibles tout le temps, en fonction des contraintes des apprenants, et traitent tout ce qui ne nécessite pas de médiation particulière. Le contenu synchrone en est parfaitement optimisé.

Pour conclure

Réduit à son expression la plus simple, le mentorat est une rencontre entre deux individus, dans un but de transmission. Son essor illustre le besoin de lien social dans des apprentissages de plus en plus souvent à distance. Initialement rendu possible par le développement des technologies, il opère aujourd’hui une bascule : le socle d’apprentissage est hébergé en ligne, ce qui permet des économies d’échelle, et la variable humaine opère la personnalisation.

Le mentorat constitue aujourd’hui la pierre angulaire de nouveaux modèles pédagogiques, fondés sur la transmission de savoir-être au moins autant que de savoir-faire.


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