MOOC Bashing : posture d’arrière-garde ?

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SEP-GRIS-EXTRAIT

"Si l’on avait écouté les apôtres de l’anti-web, notre civilisation aurait abandonné une technologie dont les impacts disruptifs ne sont plus à prouver. Si l’on applique ce raisonnement au phénomène des Moocs, on voit que ce rapport court-termiste à l’innovation continue de s’appliquer. "

SEP-GRIS-EXTRAIT

Article écrit par Antoine Amiel, CEO de LearnAssembly et initialement publié sur LinkedIn

Co-écrit avec Gilles Babinet, Digital Champion auprès de la Commission Européenne, Board Member chez LearnAssembly

Enseignements au rabais », incapables de rivaliser avec de « vrais » cours universitaires; voici ce que l’on entend le plus souvent à l’égard des MOOCS. Cela revient pourtant à nier l’amplitude d’une révolution entamée depuis le début des années 2000 et désormais en passe de bouleverser le monde éducatif.

Ainsi, depuis 2012, au moins dix millions de personnes ont déjà suivi un Mooc, tandis que des centaines de cours d’universités prestigieuses sont à présent accessibles gratuitement en quelques effleurements de doigts. Les entreprises ne sont pas en reste et s’intéressent de très près à ces dispositifs qui leur permettent d’accélérer leur transformation digitale en touchant avec efficacité des milliers de collaborateurs aux quatre coins du monde. Et pourtant, la presse regorge d’affirmation de chroniqueurs et analystes autoproclamés, annoncent la fin des Moocs, les limites des Moocs, l’hypocrisie des Moocs, l’absence de rentabilité des Moocs.

On pourrait là faire un parallèle grinçant avec ce que l’on observait vingt ans auparavant : des experts – généralement proches des mondes politiques et académiques dont par charité, on taira les noms – annonçant que le Web ne serait qu’un phénomène de mode. Il est vrai qu’alors le Web n’était qu’un prototype poussif de ce qu’il est désormais :  des sites qui prenaient des minutes à charger, aux ergonomies discutables, des moteurs de recherche inexistants, des connexions limitées et lentes : y discerner une révolution de nature à changer les fondements de notre civilisation relevait d’un pari fou.

Si l’on avait écouté les apôtres de l’anti-web, notre civilisation aurait abandonné une technologie dont les impacts disruptifs ne sont plus à prouver

Si l’on avait écouté les apôtres de l’anti-web, notre civilisation aurait abandonné une technologie dont les impacts disruptifs ne sont plus à prouver. Si l’on applique ce raisonnement au phénomène des Moocs, on voit que ce rapport court-termiste à l’innovation continue de s’appliquer. Que penser pourtant de l’expérience de Sebastian Thrun ? À Stanford, il enseignait l’intelligence artificielle auprès d’environ 140 d’élèves. Sur Udacity -une plateforme dont il est l’initiateur- son premier MOOC a permis d’initier des centaines de milliers d’internautes à cette discipline. Et des dizaines de milliers sont parvenus à l’issue du cursus, faisant dire a M. Thrun que ceux-là sont d’une compétence « équivalente ou supérieure » a ceux qui sont venus physiquement à son cours de Stanford.

En permettant aux savoirs de pouvoir être distribués à cout marginal, en augmentant leur potentiel pédagogique avec des vidéos, des tests, des animations… en faisait en sorte qu’ils ne soient plus cantonnés à quelques lieux de prestige, en démultipliant de façon spectaculaire le nombre d’apprenants, les Moocs initient une révolution du savoir que l’on pourrait oser comparer à l’invention de la presse à imprimer par Gutenberg. Une invention qui, en facilitant la distribution des idées et des techniques, n’a certainement pas été étrangère à l’émergence des Lumières et des révolutions industrielles qui ont suivies.

Il est évidemment que les Moocs sont largement perfectibles : vidéos souvent trop longues, pauvres d’un point de vue audiovisuel, fréquence d’apprentissage inappropriée, etc.  Il ne s’agit pas de copier maladroitement ce qui se passe en amphi, mais bien de profiter des possibilités offertes par le digital et l’interaction pour repenser le protocole pédagogique de sorte à le rendre aussi efficace que possible. Souvent, il est nécessaire d’avancer de manière itérative tant il n’existe que peu de référentiel. Mais le défi est à la hauteur de l’enjeu. Ainsi il ne fait que peu de doute que les Moocs dit en train de devenir des outils essentiels du « soft power » des nations en diffusant leurs langues, leurs idées et leurs cultures beaucoup plus efficacement que les instituts français, Goethe ou autres. Les Moocs, dans une société de la Connaissance dont les cycles d’innovations s’accroissent à vue d’œil, sont aussi des outils prédestinés pour la formation professionnelle et continue.

Dans notre pays qui compte six millions de sans-emploi, les Moocs ont certainement un rôle significatif à jouer pour permette à beaucoup d’accéder à une formation initiale. Là encore,à l’égard de populations fragilisées ou n’ayant que peu fréquentée l’école, l’adaptation du protocole pédagogique sera déterminante. Pour ce type d’apprenants, il a été démontré que la part de « présentiel » est déterminante : on parlera alors de Spoc « Small Personal Online Course », un Mooc auquel on demandera aux participants de se retrouver physiquement à une fréquence plus ou moins élevée de sorte à valider ensemble ce qu’ils apprennent. Cela procède aussi de ce que l’on appelle « l’Education inversée » : les cours devant la tablette à la maison et les devoirs en groupe et donc en présentiel pour valider les connaissances acquises. Dans ces cas, les besoins en infrastructure -locaux- restent donc importants, mais permettent néanmoins une efficacité largement accrue par rapport à tout ce qui précède. De surcroît il est possible de décentraliser le savoir de façon incomparablement plus large qu’auparavant, les expériences ayant démontré que la nécessité d’un « sachant » n’y est plus aussi indispensable qu’auparavant.  Des élèves issus de territoires ruraux, de pays en développement, pourraient donc y accéder sans pour autant se retrouver confrontés à la solitude de l’étudiant.

Il est donc regrettable que notre pays, nos entreprises, nos Universités ne centrent pas plus leurs stratégies sur les Mooc

Il est donc regrettable que notre pays, nos entreprises, nos Universités ne centrent pas plus leurs stratégies sur les Mooc. Il est symptomatique d’observer que les MOOC francophones les plus réputés et nombreux viennent de… Suisse et de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Même si des efforts ont été effectués,  en France notre rapport à l’innovation reste pour le moins ambivalent ; une innovation susceptible de remettre en cause l’ordre établi est souvent initialement ignorée.  A l’université, les moyens qui sont dévolus aux Moocs restent très faibles et le corps professoral les perçoit plus souvent comme des concurrents que comme des auxiliaires. Plutôt que d’adopter une posture de rejet pour un phénomène dont plus personne ne peut décemment rejeter l’évidence, il serait opportun d’en faire un axe de développement fort : pour accroitre l’efficacité de la formation professionnelle (1), pour assister l’émergence du monde en développement – et en particulier de la part qui relève de la francophonie, et plus généralement, pour en faire des outils de diffusion du savoir et des compléments éducatifs à tous les niveaux de la vie.

(a) la Commission européenne a récemment souligné qu’en France « la possibilité pour les travailleurs peu qualifiés de suivre un apprentissage diminue »

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