France Travail : une réforme discrète ou une nouvelle couche de gouvernance ?

Après plusieurs mois de concertation, France Travail voit le jour. Que retenir de cette nouvelle institution au périmètre considérable ? Une réforme qui rajoute une nouvelle couche de gouvernance au lieu de faire évoluer celles qui existent déjà ? Ou le début d'une révolution discrète ?

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EDITO

Antoine Amiel

CEO Learn Assembly

Le rapport France Travail a le mérite de ne pas sombrer dans la démagogie administrative : « notre système fonctionne cependant depuis trop longtemps en silos générant trous dans la raquette, doublons et ruptures de parcours. Il inflige sa complexité aux personnes comme aux entreprises, ainsi qu’à tous les professionnels qui les accompagnent. Surcharges administratives et reportings inutiles, manque de transparence et coûts de coordination ont pour corollaires un manque de temps disponible pour la relation humaine et la résolution des problèmes concrets, une perte de sens pour les professionnels, une frustration légitime des élus et un manque d’efficience de la dépense publique ».

France Travail se fait le garant d’une meilleure coopération entre acteurs. Cette approche par la co-construction et la concertation a bien plus de chances d’aboutir qu’une approche top-down, le contexte actuel le montre bien. Qui plus est en l’absence de majorité à l’Assemblée et avec un ministre du Travail fragilisé par la réforme des retraites.

La démarche est salutaire et montre une qualité d'écoute indéniable. France Travail a de belles ambitions : proposer des parcours sans couture, unifier les systèmes d’information, proposer des formations adaptées, simplifier le reporting. Sur le papier, c'est génial.

C’est l’exécution de ces promesses qui sera une autre paire de manches. Car piloter une méga-administration de près de 100 000 salariés, fusionner des systèmes d’information archaïques et parier sur la bonne volonté des acteurs à travailler ensemble peut paraître un peu léger. Concrètement, comment les fonds du PIC dont dépendent des milliers d’organismes de formation - et ses salariés précaires - vont-ils être prolongés ? Concrètement, comment simplifier la lisibilité de la formation alors que la gestion des certifications reste sous la tutelle d'une autre administration ? Concrètement, comment faire en sorte que les conseillers Pôle emploi et ceux des Missions Locales se voient comme des collègues ? France Travail a du pain sur la planche et peu d'alliés, tous les acteurs ayant quelque chose à perdre avec le projet.

On apprend en coaching que nommer les choses c’est déjà les transformer. Pour les optimistes, la moitié du chemin est donc déjà accomplie. Pour ceux qui pensent que nommer les choses ne change que ceux qui les nomment, tout reste à faire. France Travail pourrait se perdre en se dispersant dans des chantiers trop nombreux et énormes. Mais ne rien tenter pour faire bouger les choses serait encore pire.