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La formation confinée
Dans ce numéro spécial COVID-19, Learn Assembly s'est attelé à observer la formation en temps de confinement sous toutes ses coutures. De l'interview du président de la Fédération de la Formation Professionnelle, à l'impact de la crise sur les indépendants du secteur de la formation, en passant par les techniques pédagogiques d'un professeur de chant lyrique, nous avons voulu vous dresser un tableau le plus complet possible des effets de la crise sur le secteur des compétences. Surtout, nous vous donnons des conseils et outils concrets pour y faire face et continuer à apprendre.
EDITO
Antoine Amiel
CEO Learn Assembly
Avez-vous vu passer ce tweet de Shakira, qui plutôt que de s'instagramer dans sa piscine privée probablement plus grande que mon appartement, nous annonce qu'elle profite de l'annulation de ses concerts pour suivre un MOOC sur la philosophie grecque proposé par Wharton University ? Ce tweet est ambigu : elle exprime à la fois de la fierté et une gêne. Comme si elle s'excusait de se former, comme si elle avait honte d'apprendre et de ne pas avoir d'activités plus "pratiques" - c'est le terme qu'elle emploie. On pourrait presque croire que Shakira s'excuse d'être curieuse. Un mal bien enraciné et qu'aucun Roundup pédagogique n'arrive totalement à faire disparaître. On dit bien "la curiosité est un vilain défaut"...
Ce qui est intéressant avec un tweet, ce sont les autres tweets. Petit florilège : celui ou il est demandé si elle ne ferait pas mieux de s'occuper de ses enfants plutôt que d'apprendre la philosophie, celui-ci "Enfin, tu as un diplôme de quelque chose", celui-là "Apprendre la philosophie en quatre semaines, lol". Tellement de bienveillance... Et heureusement, des tweets de félicitations.
Ces réactions sont un condensé des freins que nous observons tous les jours au sujet de l'apprentissage tout au long de la vie : minimisation de l'effort, dévalorisation de la curiosité et de la proactivité, vision élitiste (on apprend rien en quatre semaines), machisme, croyances limitantes, vision utilitariste des compétences (il faut que ça serve à quelque chose), auto-censure (pourquoi une star de la pop s'intéresserait-elle à Platon ?). C'est dommage, surtout quand on sait que l'agilité d'apprentissage se développe par des rituels, un état d'esprit d'ouverture et de réflexivité.
Enfin une égérie pour les optimistes de l'employabilité ? Une Miss Dior des Moocs ? Une Gisele Bundchen du lifelong learning ? Car c'est peut-être ça qui manque encore au monde de l'employabilité pour casser l'image qui lui colle à la peau : un imaginaire accessible, positif, sympathique, mass-media, pas "prise de tête". A l'opposé de son image actuelle : bureaucratique, froide, ennuyeuse, inquiétante, associée au chômage, à l'évaluation-sanction. Alors que les invitations à profiter de la période actuelle pour se former se multiplient, profitons plutôt de cette occasion pour transformer l'imaginaire de la formation. A quand une Star Academy des autodidactes ?
P.S : les mots confinement et covid-19 n'apparaissent pas une seule fois dans cet édito. C'était un défi personnel.
Bonne lecture !