"L’orientation n’est pas un moment mais un parcours à part entière. Il est nécessaire de trouver ce qui fait vibrer les jeunes pour construire leur orientation et continuer à les nourrir tout au long de la vie. C’est un travail d’introspection mais aussi d’échanges."
Dans ce nouveau Numéro de Learn Assembly Papers, nous sommes partis à la rencontre de Marie-Caroline Missir, Directrice du Développement de Digischool Group et spécialiste de l’éducation, pour parler orientation (ou réorientation) et Edtech.
Qu’est-ce que Digischool et que fais-tu pour cette entreprise ?
J’accompagne Digischool en tant que Directrice du développement. Il s’agit d’une plateforme de services éducatifs en ligne pour les jeunes (applis et sites) pour les aider à réviser leurs examens, à s’orienter et à gagner en autonomie. Digischool s’adresse en priorité aux 13-25 ans.
Quel a été ton parcours avant Digischool ?
J’ai été journaliste spécialisée en éducation pendant 15 ans et je me suis également passionnée sur les sujets de transformation et le numérique éducatif. En alliant ces sujets, j’ai découvert le secteur EdTech et je me suis investie pour faire rayonner cette filière dans les médias. C’est ainsi que j’ai découvert Digischool. J’étais alors Directrice de la rédaction et j’ai fait le choix de quitter mon poste pour devenir actrice au cœur de ce mouvement. Ce poste de Directrice du Développement me permet d’appliquer mes compétences en éducation tout en aidant l’entreprise à grandir.
J’ai vécu plusieurs réorientations professionnelles dans ma carrière et je crois que le plus important est la cohérence entre le projet et ce qui nous motive profondément
Comment gère-t-on ce type de réorientation ?
J’ai vécu plusieurs réorientations professionnelles dans ma carrière et je crois que le plus important est la cohérence entre le projet et ce qui nous motive profondément. Il m’est arrivé plusieurs fois de ne plus me sentir alignée avec les valeurs des projets que je portais et que l’ennui s’immisce dans le quotidien. Il est donc nécessaire d’aligner nos valeurs, l’adhésion au projet et le plaisir de travailler.
Quid de l’égalité hommes-femmes sur ce sujet de l’orientation ?
Pour les femmes qui souhaitent faire des enfants, il est courant de se créer des barrières mentales vis-à-vis de son évolution professionnelle à cause de ses obligations familiales. On observe donc que la carrière des femmes fléchit vers 35 ans car elles sont en proie à des conflits : être une bonne mère ou être une bonne professionnelle. Pourtant, j’ai choisi la naissance de mon deuxième enfant pour reprendre les études en passant un Master à l’Essec : c’est possible ! Il est donc nécessaire de déconstruire certaines croyances pour redonner aux femmes l’envie et la possibilité de profiter de ces moments-là afin de prendre du recul sur leur carrière professionnelle. Le sujet des salaires est également problématique chez les femmes : elles ne savent pas se vendre et n’ont pas conscience de leur valeur. Ainsi, les hommes demandent généralement 20% de plus lors des entretiens !
Quelles sont les problématiques dans le secteur de l’orientation ?
En France, une partie des jeunes subit leur processus d’orientation et un système inégalitaire. Malgré les réformes, cela créé de grandes inégalités entre les élèves formés en grandes écoles et ceux plus en difficulté.
La problématique n’est pas le contenu : il y a beaucoup d’informations disponibles. Depuis la loi du 5 septembre 2018, cette compétence est déléguée aux régions, qui se dotent de leur propre plateforme d’orientation. Cela décentralise la question de l’orientation et de l’information sur les métiers. Or, cela va amener une conception de l’orientation adéquationniste, qui visera à mettre en adéquation l’orientation des jeunes avec les besoins en ressources au niveau régional.
Je pense qu’il est nécessaire d’allier cette vision à celle d’une démarche orientante, comme au Québec, où l’on développe la connaissance de soi. Le besoin des jeunes se situe au niveau de la médiation : l’information est là, mais il est nécessaire d’avoir des relais pour leur fournir la bonne information au bon moment via le bon canal. C’est pour moi la mission des acteurs de l’Edtech en soutien des acteurs publics et des entreprises. Les jeunes maitrisent bien les outils du numérique mais il leur manque un accompagnement dans leur orientation : l’autonomie des jeunes dans leur orientation est donc un mythe.
Le besoin des jeunes se situe au niveau de la médiation : l’information est là, mais il est nécessaire d’avoir des relais pour leur fournir la bonne information au bon moment via le bon canal.
Par ailleurs, l’orientation n’est pas un moment mais un parcours à part entière. Il est nécessaire de trouver ce qui fait vibrer les jeunes pour construire leur orientation et continuer à les nourrir tout au long de la vie. C’est un travail d’introspection mais aussi d’échanges : il s’agit de motiver les jeunes à profiter de rencontres pour écouter des récits de vie inspirants.
Les révisions et les devoirs scolaires à l’heure du digital : un baromètre Digischool/Opinionway
Qu’est-ce que le monde RH peut apprendre du monde de l’orientation ?
La réforme en cours augmente la porosité entre formation initiale et continue. La clef est donc de donner à tous les moyens d’évoluer… et cela passe par l’éducation ! On parle beaucoup de soft skills et cela accentue les inégalités car nous ne sommes pas égaux face à l’acquisition de ces soft skills. Cela favorise les personnes favorisées ayant eu la chance de voyager et ayant fait une grande école de commerce. Or, il s’agirait plutôt d’accompagner les jeunes pour les développer, que ce soit à l’école ou en entreprise. Lors des recrutements que j’ai effectués, ce sont les compétences (et non le diplôme) et surtout la personnalité qui ont primés.
Antoine : beaucoup d’études ont été faites sur le mythe du skillgap et le fait que les entreprises peinent à trouver les compétences qu’elle juge nécessaires sur le marché du travail. Or, un chercheur a réalisé une étude qui a démontré que le skillgap dépend largement du ressenti des recruteurs : ils estiment avoir besoin d’un Bac+5 alors que 30 à 50% des tâches réalisées sur le poste ne nécessitent pas autant d’années d’études. Cela a une double conséquence : l’augmentation des frais de scolarité et l’endettement étudiant car les jeunes sont poussés à étudier même si cela n’est pas toujours nécessaire, et la croyance selon laquelle les jeunes devraient être compétents sur tout, en niant la nécessité de formation en entreprise.
Un chercheur a réalisé une étude qui a démontré que le skillgap dépend largement du ressenti des recruteurs : ils estiment avoir besoin d’un Bac+5 alors que 30 à 50% des tâches réalisées sur le poste ne nécessitent pas autant d’années d’études
De plus en plus d’adultes se réorientent. Est-ce que l’audience de Digischool change ?
Digischool est représentatif de la porosité entre les deux mondes : nous nous adressons aux jeunes mais une partie de notre audience (25 à 30%) est constituée d’adultes, dont des adultes en reconversion. Nous proposons donc des outils à destination de tous les publics : notre application pour réviser le TOEIC est utilisable aussi bien par les jeunes que les adultes.
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