La fête est finie : décryptage du marché de l’apprentissage

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Learn Assembly analyse le marché actuel de l’apprentissage et son évolution sur les années à venir, au regard des différents scénarios de changements de régulation.

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À quoi ressemble le marché de l’apprentissage en 2024 et quelles tendances se dessinent pour les années à venir ? Après un engouement sans pareil pour ce dispositif de 20218 à 2022, il semble aujourd’hui connaître une crise. Sommes-nous arrivés à la fin d’un modèle ? Un décryptage de Learn Assembly.

Pourquoi l’apprentissage a-t-il connu un tel boom ces dernières années ? 

Libéralisé par la réforme de 2018, le marché de l’apprentissage a connu une forte croissance : 

  • En 2020, 49% des entreprises y ont eu recours pour s’adapter au contexte du COVID. C’est bien au-dessus de la moyenne européenne de 32%1 (voir notre article sur la formation professionnelle en Europe). 
  • Entre 2019 et 2022, une création d’emploi sur trois était un emploi d’apprenti.
  • Le nombre d’apprentis a doublé entre 2018 et fin 2022.2 
  • Sur cette dernière année, entre mai 2023 et mai 2024, l’augmentation est de 4,7%, signe que le marché a atteint un plateau.3 

Mais cet engouement semble aujourd’hui arriver à ses limites. Les effets d’aubaine post-réforme ont entraîné des problèmes de qualité dans certains CFA. Dans cet article, retrouvez : 

  • Les dernières actualités du marché de l’apprentissage 
  • Les principaux défis de l’apprentissage aujourd’hui
  • Quelques pistes pour redresser la situation dans les prochaines années 

Le marché de l’apprentissage en France : tour des actus

  • Dans le cadre du plan d’économies de 10 milliards d’euros, un décret prévu pour l’été 2024 fixe la baisse ciblée des niveaux de prise en charge (NPEC) pour les certifications des niveaux 6-7 (licence – master). Cette baisse sera limitée à 10% du NPEC actuel pour le niveau 6 et 15% pour le niveau 7.4 
  • La prime de 6000€ accordée aux entreprises qui recrutent des alternants a été supprimée en mai 2024 pour les jeunes en contrat de professionnalisation.5 
  • Le nombre de sortants d’apprentissage ouvrant un droit à l’assurance chômage a plus que doublé depuis 2019.6

L’apprentissage face à un problème de qualité et de réputation

La réforme de 2018 sur l’apprentissage a créé un effet d’aubaine. De nombreux acteurs ont augmenté leur capacité et de nouveaux sont entrés sur le marché. Mais aujourd’hui, les retours d’expérience après 5-6 ans sont loin d’être au beau fixe : 

  • Certains parents commencent à questionner l’apprentissage.
  • Les NPEC et les primes baissent, ce qui interroge sur la viabilité de ce modèle économique et fait reculer les entreprises.    
  • Le complément d’enquête “A qui profitent les milliards de l’apprentissage ?” sorti en avril 2024 a fait couler beaucoup d’encre sur les dérives de ce système (qualité pédagogique absente, centres de formation fantômes, emplois “bidons”…). 
  • Beaucoup d’étudiants se plaignent de la qualité des cours (“marketing qui date d’il y a 20 ans”, “des intervenants qui n’y connaissent rien en pédagogie”7, etc.). Cette baisse – voire absence – de qualité touche principalement les niveaux bachelors et master et les métiers du tertiaire (digital, marketing, entrepreneuriat, influenceurs). Les métiers de l’artisanat par exemple, qui ont une tradition de l’apprentissage, sont moins impactés.

Comme l’explique Antoine Amiel, “le problème, c’est qu’une minorité d’acteurs a eu des pratiques de vente abusives, a menti, a fait de la refacturation illégale… C’est seulement quelques dizaines de CFA mais ces scandales ont créé un bruit de fond négatif et une défiance”.

Quels sont les leviers d’amélioration ? 

La France connaît une baisse de la croissance démographique qui risque de continuer dans les années à venir. Un CFA qui a beaucoup misé sur l’apprentissage peut envisager de croître de façon organique :

  • En réinternalisant la pédagogie, en se construisant un patrimoine pédagogique avec ses propres supports et contenus et en maîtrisant l’expérience de formation sur leur propre plateforme.
  • En travaillant leur réputation et la qualité de l’expérience étudiante, deux critères qui deviendront de plus en plus indispensables pour les apprentis et les entreprises.  
  • En se positionnant sur les bonnes filières métiers. Si la situation va évoluer d’ici 3-4 ans, les secteurs de la data, de la cybersécurité ou encore de l’ingénierie en intelligence artificielle ont aujourd’hui le vent en poupe. De plus en plus de filières hybrides secteur-métier vont émerger, comme la cybersécurité dans l’énergie par exemple. 
  • En s’assurant d’intégrer les entreprises au sein des cursus. C’est ce qui va faire la différence. “Une entreprise à la pointe de la cybersécurité ne va pas travailler avec n’importe quel CFA. Elle prendra des apprentis issus d’une formation dont elle connaît la qualité des contenus et des intervenants”, ajoute Antoine.

Nos convictions sur l’avenir du marché de l’apprentissage

Selon notre expérience et notre analyse du marché de l’emploi, du travail et de la formation, nous prévoyons d’ici 2027 : 

  • Une stabilisation ou une baisse de 5 à 10% du marché global de l’apprentissage
  • Les établissements qui ont une capacité de traction et une bonne qualité pédagogique vont avoir une baisse d’ici un ou deux ans puis vont se ressaisir. 
  • Une chose est sûre : les croissances à 10-15% par an, c’est terminé. 

Un juste retour à l’état normal ? Peut-être…

En somme, pour faire face à cette crise du marché de l’apprentissage, il faut : 

  • Miser sur la qualité pédagogique 
  • Diversifier ses formats 
  • Investir dans la formation continue
  • Investir dans l’innovation pour se différencier 
  • Maintenir une bonne réputation 

Ces bonnes pratiques sont également applicables au domaine de la formation professionnelle. Vous avez besoin d’aide pour les mettre en place ? Retrouvez tous nos services sur notre site.

Learn Assembly est un cabinet de conseil hybride créé en 2013 qui accompagne la transformation de tous les acteurs de la formation et de l’emploi. Notre mission est de les aider à jouer un rôle stratégique dans leurs organisations pour répondre au défi des compétences, de la transition écologique et de l’intelligence artificielle. Nous accompagnons les directions générales et L&D de grands groupes, les acteurs publics et les établissements d’enseignement supérieur dans leurs évolutions stratégiques.

1Céreq

2Le Monde

3Politiques de l’emploi

4l’Etudiant EduPros

5Service public

6Newstank

7Témoignages entendus par les membres de notre équipe

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