L’IA aura davantage d’impact sur le travail que sur l’emploi 

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SEP-GRIS-EXTRAIT

Article initialement publié sur News Tank RH. Une analyse d'Antoine Amiel sur l'iimpact que l'IA aura, non pas tant sur l'emploi, mais sur le travail : son contenu, son identité, son vécu.

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Mon emploi va-t-il disparaître ? Quelles nouvelles compétences faut-il développer ? À quelle échéance ? Telles sont les questions que se posent les salariés et les entreprises au sujet de l’intelligence artificielle (IA) et de son impact. Questions ô combien légitimes.

En effet, de nombreuses études, plutôt convergentes, semblent indiquer que l’intelligence artificielle va automatiser ou augmenter un pourcentage de tâches allant de 5 % à 25 % dans les économies développées. Elle concernera principalement des métiers de bureau, plutôt diplômés, et risque d’accentuer les inégalités hommes-femmes – les femmes exerçant des métiers plus menacés par l’IA -, avec notamment de forts impacts dans les métiers de la banque, du droit ou encore du marketing.

Citons, par exemple, l’étude de l’OIT (Organisation internationale du travail) qui, pour jouer le jeu, a même demandé à ChatGPT de répondre à cette épineuse question, avant de rectifier les résultats proposés par l’outil et d’expliquer en détail comment.

Si la disparition des emplois est une question par nature anxiogène et susceptible de remplir assez facilement des tables rondes, le curseur pourrait être mal placé. Car ce n’est pas tant sur l’emploi que l’IA va avoir un impact, que sur le travail : son contenu, son identité, son vécu.

Une analyse d’Antoine Amiel, CEO fondateur de Learn Assembly.

Le risque d’un appauvrissement du travail

Le mythe de la semaine de travail de 20 heures nous permettant de cultiver notre jardin (intérieur ou extérieur, c’est selon) tandis que des intelligences artificielles font le boulot à notre place est justement… un mythe. Et l’impact de l’IA pourrait être, selon les contextes, positif ou catastrophique.

Sujet sous-estimé

Le risque d’appauvrissement du travail, conséquence de l’intégration de l’IA dans nos quotidiens professionnels, est probablement l’un des angles morts du sujet, alors qu’il devrait être en haut de la pile des dossiers.

Citons l’exemple de cette société technologique qui a choisi de supprimer tous les postes de son département communication pour ne garder que des relecteurs d’IA, métier vide de sens. Commentaire sans appel du dernier employé de ce service : « Ils vendent du contenu généré par IA et vous paient pour le corriger, tout en vous envoyant des e-mails sur la manière d’écrire comme un humain, afin de ne pas déclencher leur détecteur d’IA. C’est tellement insultant. »

Si ce cas est peut-être extrême, le fait qu’un salarié utilise le terme « insultant » pour parler de l’évolution de son travail avec l’IA a de quoi interpeller.

Car l’IA, par la qualité des résultats qu’elle propose, pourrait transformer un certain nombre de tâches de production créatives en tâches de relecture monotones. Les communicants ne produiront plus de contenus, ils amélioreront des prompts et vérifieront que les contenus suivent une check-list de critères (respect de la marque, absence de biais, conformité éditoriale etc.).

L’humain exécutant les actions préconisées par l’IA

Les techniciens pourraient se transformer en robots exécutant des actions préconisées par des IA sans aucune marge de manœuvre. Les conseillers en centre de contact n’auront plus que les clients les plus difficiles à gérer au téléphone, ceux qui, justement, refuseront d’être traités par une IA et arriveront encore plus frustrés. L’avenir du monde du travail peut-il se résumer à nous transformer en assistants d’IA ? Les IA n’étaient-elles justement pas censées être nos assistants ?

L’IA a un potentiel d’augmentation du travail énorme. Elle pourrait aussi réduire le sentiment d’être acteur de son travail, dégrader la prise d’initiative et, in fine, contribuer au désengagement des salariés, notamment des jeunes. Non pas vis-à-vis de leur entreprise, à laquelle ils restent attachés, mais de leur travail. Le risque d’un rapport totalement transactionnel au travail est un risque que ne peuvent pas prendre les entreprises.

Car nous faisons face à un cumul de facteurs déstabilisants : solde démographique négatif, départs à la retraite pas toujours anticipés, augmentation du nombre de métiers en tension, notamment sur des métiers opérationnels accessibles à bac+3, problèmes d’attractivité justement dans ces métiers en tension, problèmes de logement. L’hypothèse que l’IA devienne un repoussoir dans le choix d’exercer tel ou tel métier n’est pas à écarter.

L’impact de l’IA sur la valeur perçue des métiers

Plusieurs études enthousiastes semblent pourtant indiquer le contraire : celles-ci affirment, toujours au conditionnel, que l’IA pourrait générer X centaines de milliers d’emplois, pourrait en détruire X milliers. Passons sur le fait que ces études sont souvent subventionnées par Google ou OpenAI.

L’IA facteur d’attractivité ?

L’IA serait donc un facteur d’attractivité. Les fiches de poste mentionnant l’IA auraient plus de candidatures que les autres. C’est probablement vrai pour les métiers du digital, du conseil. Mais toutes les entreprises ne sont pas des start-up ou des entreprises de conseil à l’affût d’innovations. La récente étude du Lab BPI sur l’appropriation de l’IA dans les TPE-PME est assez sidérante : 72 % des dirigeants disent ne pas utiliser l’IA générative, car ils n’en voient pas l’intérêt. Outre un risque de fracture numérique accentué par l’IA et un sentiment de décrochage, dont on connaît les traductions électorales, se poser sérieusement la question de l’IA sur la valeur perçue d’un métier va devenir essentiel.

L’équilibre entre gains de productivité et appauvrissement du travail

Tous les projets d’IA déployés dans les entreprises, de la supply chain à la finance, du marketing aux ressources humaines, devraient être croisés à des hypothèses d’appauvrissement et d’augmentation du contenu du travail, lui-même associé à un indicateur d’attractivité du métier concerné. Et si l’IA a un potentiel d’appauvrissement du travail plus élevé que les gains de productivité, bref si le jeu n’en vaut pas la chandelle, la pertinence de ce cas d’usage est discutable. Qui plus est dans des métiers en tension.

Le monde du travail n’est pas décrété par les prophéties millénaristes des dirigeants de la Silicon Valley ou par les grandes banques d’affaires mondialisées en quête de deals. In fine, les aides-soignants, les professionnels de l’hôtellerie-restauration, les techniciens de maintenance, les soudeurs, les préparateurs de pharmacie et les logisticiens auront le dernier mot. Et aucune mesure coercitive sur le retour à l’emploi ne créera de la motivation, de l’engagement et du plaisir au boulot.

Learn Assembly est un cabinet de conseil hybride créé en 2013 qui accompagne la transformation de tous les acteurs de la formation et de l’emploi. Notre mission est de les aider à jouer un rôle stratégique dans leurs organisations pour répondre au défi des compétences, de la transition écologique et de l’intelligence artificielle. Nous accompagnons les directions générales et L&D de grands groupes, les acteurs publics et les établissements d’enseignement supérieur dans leurs évolutions stratégiques.

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