Sur les traces des peuples premiers pour développer les soft skills en entreprise

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SEP-GRIS-EXTRAIT

"Si l’entreprise peut être appréhendée comme une tribu, quelles sont les pratiques observées dans d’autres tribus (notamment les peuples premiers) dont nous pourrions nous inspirer pour mieux vivre les changements actuels auxquels nos organisations doivent faire face?"

SEP-GRIS-EXTRAIT

Il ne se passe maintenant plus une semaine sans qu’un client ne me parle des sacro-saintes compétences « Soft » pour ses collaborateurs : agilité, pensée critique, créativité, aptitude à la résolution de problèmes complexes et j’en passe… Dans les entreprises, c’est le branle-bas de combat pour savoir comment aider les collaborateurs à les développer et les muscler.

Pour mon équipe spécialisée dans les questions d’employabilité, cette question devient centrale.

Pour tenter d’apporter des réponses satisfaisantes, je multiplie les rencontres avec des acteurs qui peuvent amener de l’eau au moulin de cette réflexion, parfois dans des secteurs très éloignés du mien pour être certaine trouver des réponses nouvelles !

C’est ainsi que ce chemin m’a conduit à la terrasse d’un café parisien pour échanger avec Karine Massonnie. Cette ethnoreporter, spécialiste des peuples premiers et également coach, formatrice et conférencière, accepte d’échanger avec moi sur les similitudes que nous pouvons faire entre les problématiques des peuples premiers et celles de nos organisations qui se débattent dans un environnement de plus en plus volatil, incertain, complexe et ambigu.

L’entreprise, une tribu comme les autres

Ma première question fuse : « L’entreprise est-elle une tribu comme une autre ? ». Karine sourit et hoche la tête  : l’entreprise est un organisme vivant, qui a son Histoire, sa culture propre, son cadre, qui est structurée par un espace-temps, dispose d’un mode de gouvernance et de lois pour la réguler, a ses rituels (plus ou moins conscients), ses espaces d’expression de même que la tribu comporte des individus qui vivent ensemble avec densité (celle des liens), et enfin gère ces ressources (naturelles, compétences, talents…).

Si l’entreprise peut être appréhendée comme une tribu, quelles sont les pratiques observées dans d’autres tribus (notamment les peuples premiers) dont nous pourrions nous inspirer pour mieux vivre les changements actuels auxquels nos organisations doivent faire face?

Instant présent et logique du « faire avec »

Les communautés que me décrit Karine ont une énorme capacité de résilience car elles vivent dans la nature qui, par essence, est en perpétuel changement et sur laquelle elles ne peuvent exercer aucun contrôle. Ces peuples n’ont donc d’autres choix que de faire face à l’incertitude, de vivre l’instant et de « faire avec ».

Très résilientes face aux changements, ces sociétés-racines savent mobiliser et exploiter leurs ressources naturelles pour progresser, en faisant plus et mieux avec ce qui est là, dans l’instant.

Cette logique du « faire avec » se retrouve dans beaucoup de pratiques actuelles comme le théâtre d’improvisation. Les pratiques de type méditation de pleine conscience s’inscrivent selon moi pleinement dans cette quête de lâcher-prise.

La curiosité du chercheur

J’observe souvent le lâcher-prise dans la manière dont les individus abordent les problèmes auxquels ils doivent faire face. Or, je note justement que les peuples premiers ont la capacité à se concentrer sur leur zone d’influence, à être résolument orientés solutions et à appréhender l’imprévu et l’incertitude sans peur, avec la curiosité du chercheur face à l’inconnu.

Un problème posé apparaît généralement comme une simple information à traiter, qui dans tous les cas finira par être résolu…Une posture d’ouverture déterminante dans l’aptitude à la résolution deproblèmes complexes !

Importance de l’expérience et ses sens

Observer, ressentir, sentir, percevoir, expérimenter… Autant de clés d’entrées sensorielles pour comprendre le monde et résoudre les problèmes qui se présentent. Cette approche est assez éloignée de nos modes de pensées analytiques qui nous poussent à appréhender le monde avec notre seule tête ! Analyser, réfléchir, soupeser le risque, prendre du recul, font partie de notre arsenal actuel, auquel font défaut ces clés sensorielles.

Les cinq sens sont stimulés en permanence et donnent même une capacité d’anticipation des changements sans précédent à ces peuples. L’observation de la nature notamment le biomimétisme (dans la logique du « faire comme ») est une précieuse source d’adaptation de ces communautés.

Là encore, nous devrions nous interroger plus fortement dans le contexte de nos entreprises sur la manière de stimuler ces sens dans le quotidien des collaborateurs ? Comment fournir d’autres clés d’entrée pour apprendre et comprendre le monde et ses changements ?

Transmission et responsabilité

J’ai été frappée dans le récit de Karine par le respect de cette connaissance de l’instant au service du groupe. Par exemple, chez les Amérindiens, des cercles de paroles sont organisés pour mettre en commun les expériences de la journée, transmettre des savoirs acquis, partager les « bonnes pratiques ». Je n’ai pas pu m’empêcher de faire certains parallèles avec des pratiques comme les stand-up meetings dans des équipes projets agiles. 

Partages d’expériences, contes, chants, proverbes… La transmission orale est quotidienne dans ces communautés. A la différence de l’écrit qui fige, contrôle, contractualise, l’oral est fluide et s’inscrit dans une relation de confiance, de responsabilisation de celui qui donne et de celui qui reçoit.

Nul doute que nous devrions être encore plus attentifs à ce mode de transmission responsabilisant et souple dans l’entreprise.

Loisirs et place de l’enfant intérieur

Enfin, au travers de cet entretien avec cette spécialiste des peuples premiers, j’ai pris conscience que ces sociétés laissent une grande part aux loisirs. Contre toute attente, l’activité économique ne représente que 4 à 5 heures des journées de ces communautés, le reste étant dédié aux loisirs.

Dans cet emploi du temps le jeu, la créativité, l’expression artistique occupent une place prépondérante et le plaisir est indissociable de la notion de « travail ». Ces communautés ont vraiment à cœur de permettre à chacun de garder son “enfant intérieur” (selon l’expression de notre société occidentale) et d’ouvrir son champ de vision par des activités variées. La clé pour ne pas tarir sa créativité, cultiver sonesprit de collaboration et développer son empathie ?

En tous cas, une chose est certaine, nous devrions nous aussi réinterroger la place que nous laissons dans nos organisations à nos enfants intérieurs et aux loisirs ! Nul doute que les tribus sont des sources d’inspiration sans fin pour nos entreprises, que ce soit par leur approche sensorielle du monde, leur curiosité sans limites, leur agilité ou leur capacité à collaborer et à se renouveler. Ce retour aux sources pourrait peut être nourrir utilement la réflexion sur les soft skills en entreprise.

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