Learn Assembly Papers interviewe Francesca Aceto, directrice du réseau SCNF au féminin pour parler des croyances et biais qui entourent la mobilité féminine.
Cet article à été rédigé par Pauline Rochart, spécialiste du futur du travail et des organisations
Quels sont les enjeux en matière de mobilité pour les collaboratrices du Groupe SNCF ?
Au sein du Groupe, nous sommes confrontés à 2 types de mobilités : la mobilité choisie et la mobilité subie. La première concerne davantage les cadres qui choisissent de changer de métier pour élargir leur champ de compétences ou vivre une nouvelle aventure. Par exemple, des collaboratrices du siège sont devenues cheffes d’une équipe en gare ou d’une équipe de contrôleurs car elles souhaitaient investir aux métiers de l’exploitation.
Nous sommes confrontés à 2 types de mobilités : la mobilité choisie et la mobilité subie.
La « mobilité subie » concerne plutôt les agents dont les métiers sont profondément impactés par la digitalisation (administratif, paye, vente en gare…). Or, ces métiers sont traditionnellement davantage occupés par des femmes. Nous avons donc une responsabilité d’accompagner ces mobilités pour qu’elles soient une opportunité de repenser le parcours professionnel.
Dans les deux cas, le réseau est un facilitateur car nous accélérons la mise en relation. Il y a un contrat de confiance très fort au sein du réseau, les membres se sentent libres d’échanger sur leurs motivations, leurs souhaits de mobilité, ils acceptent de se dévoiler car ils savent qu’ils sont dans un réseau d’entraide. Au-delà de faciliter la mise en relation, l’objectif premier de notre réseau et de développer le pouvoir d’agir des membres en leur permettant à la fois de bénéficier d’ateliers soft-skills pour s’outiller et de s’engager pour expérimenter/acquérir/consolider sur le terrain de nouvelles compétences transférables.
Quelles sont les missions du réseau « SNCF au féminin » ?
Le réseau a pour but de faire bouger les lignes de la mixité au sein du Groupe SNCF. Nous comptons à ce jour 8000 membres dont 15% d’hommes. Tous les métiers y sont représentés (agents opérationnels, fonctions support, conducteurs de trains…), nous tenons à ce que le réseau soit le plus transverse possible. Plusieurs rencontres par mois sont organisées, à Paris ou en régions pour partager et s’inspirer en dehors de tout système hiérarchique. Nous proposons des ateliers d’inspiration (conférences, développement personnel…) et des ateliers de réflexions collectives sur des sujets stratégiques pour l’entreprise (ex : « la sécurité », « la RSE »…).
Nous avons donc une responsabilité d’accompagner ces mobilités pour qu’elles soient vécues comme une opportunité de repenser le parcours professionnel.
Un de vos axes de travail est la féminisation des métiers dits « masculins », comment procédez-vous concrètement ?
Aujourd’hui, nous comptons 4% de femmes dans les métiers de production (maintenance des trains, des voies, postes d’aiguillage…), il faut que ça change ! Ces métiers sont les métiers d’avenir au sein du Groupe, ce sont ceux qui sont en voie d’expansion. Or, les femmes ne s’y projettent pas ou peu car ces métiers font encore souvent l’objet de stéréotypes (travail dans le froid, la nuit, etc). Certes, certains métiers sont plus physiques, mais d’autres comme la conduite des trains ne sont pas envisagés par les femmes pour des raisons culturelles. D’ailleurs, cela n’est pas un problème propre à la SNCF, tous les métiers liés à la conduite (poids lourds, autobus, métro…) sont traditionnellement perçus comme des métiers d’hommes.
Certains métiers sont physiques et s’opèrent dans des conditions difficiles, mais d’autres ne sont pas envisagés par les femmes pour des raisons culturelles.
Chez nous, seuls 3% des conducteurs sont des conductrices… C’est le chiffre qui me met le plus en colère car il est surtout dû aux stéréotypes.
Pour permettre aux femmes de se projeter davantage, nous avons ré-écrit les fiches métiers en mettant en avant les compétences comportementales nécessaires, les compétences techniques apparaissent dans un second temps. Le fait de parler de « rigueur » ou « d’autonomie » est plus inclusif, plus de gens peuvent se reconnaître dans ces qualités. Dans tous les cas, tous les nouveaux embauchés bénéficient d’une formation technique prise en charge par le Groupe.
Récemment, nous avons intégré une conductrice de train qui était auparavant hôtesse de l’air. Elle cherchait un poste qui lui permettait de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Elle opérait sur des vols moyens courrier, aujourd’hui elle conduit des Tram-Trains en Ile de France. Elle est ravie de sa nouvelle vie, elle commence très tôt le matin et finit ses journées en début d’après-midi. Au départ, elle ne s’imaginait pas conductrice de train, le changement de métier répondait à un besoin, en l’occurrence, bénéficier de plus de « temps pour soi ». Finalement, elle s’épanouit dans ce travail où les qualités de rigueur, de précision et d’autonomie sont indispensables.
Il faut communiquer davantage sur ces métiers de production auprès des femmes en général ! De nombreux métiers – souvent précaires et occupés par des femmes – vont disparaître, je pense notamment aux caissières de la grande distribution. Nous, employeurs, avons une responsabilité sociétale à accompagner ces reconversions professionnelles, à développer l’employabilité.
La SNCF recrute plus de 5000 agents par an (dont presque 1000 conducteurs de train !), or tous les postes ouverts ne sont pas pourvus… De plus, les possibilités d’évolution sont nombreuses : une grande partie des cadres du Groupe sont issus de promotions internes.
Nous, employeurs, avons une responsabilité sociétale à accompagner ces reconversions professionnelles, à développer l’employabilité.
L’un des « groupes experts » a planché sur l’attractivité des métiers de la sécurité, quelles avancées concrètes a-t-il obtenu ?
Au sein d’un atelier, des membres du groupe ont soulevé le fait qu’il n’existait pas de tenues de travail adaptées à la morphologie féminine ni de chaussures de sécurité en deçà de la taille 40. On s’est rendu compte que cela faisait un moment que ce problème était signalé mais que personne n’avait bougé… On peut aussi supposer que plus de mixité dans tous les espaces de discussions et de décisions concernant les conditions de travail permettrait de faire remonter plus rapidement ce type de sujets…
Le réseau « SNCF au féminin » a joué son rôle d’espace d’écoute et d’entraide. Le besoin d’étoffer le catalogue des tenues a été remonté à la direction des achats, un nouveau marché a été lancé, aujourd’hui les tenues des agents sont adaptées à toutes les morphologies. C’est une victoire dont nous sommes fières. La tenue de travail peut apparaître comme un sujet trivial, cela n’est pas un facteur d’attraction dans le métier mais c’est clairement un facteur de rétention. Si au quotidien, vous n’êtes pas à l’aise dans les conditions d’exercice de votre métier, vous partez.
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