L’échec productif : le secret le mieux gardé de nos apprentissages profonds ?

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SEP-GRIS-EXTRAIT

"A quand remonte votre dernier échec ? Qu’avez-vous ressenti ? Et in fine, qu’avez-vous appris ? Nous entretenons rarement un rapport positif à l’échec… pourtant il est indispensable à notre apprentissage, voire même extrêmement productif."

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Article écrit par Sophie Cohendet, Cofondatrice de LearnAssembly, et initialement publié sur LinkedIn

A quand remonte votre dernier échec ? Qu’avez-vous ressenti ? Et in fine, qu’avez-vous appris ? Nous entretenons rarement un rapport positif à l’échec… pourtant il est indispensable à notre apprentissage, voire même extrêmement productif.

C’est ce que défendent les partisans du Productive failure (échec productif) une théorie de l’apprentissage largement développée par Manu Kapur, Professeur de la Chaire Sciences de l’Education de ETH Zürich et anciennement Directeur du Learning Sciences Lab de Singapour.

Cette méthode vise à proposer des conceptions de formations centrées sur des résolutions de problèmes. Ces problèmes reposent avant tout sur des concepts non familiers aux individus qui tentent de les résoudre.

L’échec pour ne pas perdre le nord ?

A première vue, cette méthode ressemble un peu à une douche froide ou à un grand saut dans la piscine sans savoir nager, ce qui peut paraître brutal ou décourageant ! Mais différentes recherches ont démontré que cette approche permet d’impliquer plus fortement les apprenants et éclaire le sens de l’apprentissage. Il s’agit en quelque sorte d’un préalable à l’apprentissage, une sorte de préparationEn échouant, nous comprendrions plus fortement l’intérêt d’apprendre et serions parfois plus motivés. L’échec nous permettrait d’apprendre de manière plus productive que si nous n’avions pas buté sur le problème et avions eu accès directement à des éléments nous permettant de le résoudre.

Certains designers d’expériences pédagogiques imaginent déjà des dispositifs d’apprentissage reposant sur cette théorie et intègrent ainsi l’échec au cœur de leur conception : un professeur de l’Université de Concordia s’est illustré il y a quelques années avec une expérience de ce type en demandant à ses élèves de donner une série de cours en analyse statistique à sa place.

Chez Learn Assembly, nous préconisons justement à nos clients de réaliser des conceptions en digital learning centrées sur des « questions » ou des « problèmes » plutôt que sur des « réponses » données aux collaborateurs formés. Lors de la conception d’un MOOC, nous proposons d’abord aux collaborateurs de se tester en répondant à des questions ou de résoudre des cas; les ressources pédagogiques sont en périphérie du dispositif, à la disposition de l’apprenant pour l’aider à résoudre les problèmes qu’il rencontrerait, sans pour autant lui donner la réponse.

Cette logique permet de contextualiser les dispositifs de formation et met directement les collaborateurs dans des postures de résolution de problèmes qui sont motivantes pour eux. Elle permet à chacun de voir les limites de ce qu’il sait et aussi d’appréhender ce qu’il ne sait pas, afin de permettre un apprentissage plus profond. A titre d’exemple, une de nos dernières conceptions pour une population de data scientists débute ainsi par un challenge Kaggle visant à optimiser l’évacuation du Titanic, chaque collaborateur ou groupe de collaborateurs apporte des propositions de réponses pour résoudre ce challenge et en profite pour s’étalonner sur les compétences dont il dispose ou non pour le faire…avant de suivre un parcours de montée en compétences sur des méthodes d’analyse de données.

Vous reprendrez bien un petit « échec » ?

Bien entendu, il s’agit de « bien doser » les problèmes proposés afin de ne pas introduire de sentiment d’incompétence ou de décrochage, voire de démotivation (effet contraire à ce qui est recherché dans cette approche). Il est question ici de présenter un dilemme désorientant l’individu pour lui donner envie de se mettre en mouvement et d’apprendre plus efficacement.

Il est également important de prévoir des temps d’explication, de prise de recul, de comparaison des propositions de solutions et d’élaboration collective d’une ou plusieurs solutions pérennes pour aller au bout d’une telle démarche. La création d’un cadre sécurisant dans lequel l’échec est possible et non anxiogène est donc un prérequis pour ce type de démarche.

Et si l’échec était de ne plus échouer ?

L’échec productif est indissociable de la notion dite de « growth mindset » (voir les travaux de Carol Dweck) et est selon moi une excellente façon de développer son agilité d’apprentissage. En étant confrontés à ce type d’approche, les individus développent leur aptitude à résoudre des problèmes, entraînent leur persévérance et s’ouvrent à la recherche de solutions multiples (capacité que notre culture française de recherche de LA solution à un problème donné a tuée à petit feu !).

Cette approche vient interroger chacun dans la permission qu’il se donne ou que lui donne son environnement à échouer, ou plus simplement «à ne pas être au niveau », « à être ignorant », voire « pas bon » pendant quelques temps…en vue d’apprendre.

La prochaine fois que vous vous blâmerez ou serez tenté(e) de blâmer un collaborateur pour un échec, rappelez-vous la phrase de John Wooden, entraîneur légendaire de basket-ball américain « you aren’t a failure until you start to blame »…en deux mots, quand vous cessez de cueillir les fruits de vos apprentissages.

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